Certains apiculteurs confient avoir vu leur récolte de miel multipliée par dix… Alors, 2020, une année exceptionnelles? Gilbert Dey, apiculteur animateur à Espace Abeilles à Cernier, reste prudent avec les chiffres, mais confirme que le millésime est à classer parmi les bonnes années.

«Les récoltes varient énormément selon la localisation», explique-t-il. «Ce qu’on peut dire, c’est que, généralement, si une ruche donne 15 kg de miel, on peut être content. Ce printemps, ici au Val-de-Ruz, la récolte de miel de fleur a déjà apporté une moyenne de 14 kg par ruche, à cela va s’ajouter le miel de forêt dont l’extraction prometteuse est en cours.»

Jean-Claude Meier, des Miels de Rêve à La Chaux-de-Fonds, précise: «On parle bien de moyenne, sachant qu’une partie du rucher peut être affectée à la constitution de colonies. Une ruche de production peut donner quelque 30 kg par an.» Lui qui pratique l’apiculture pastorale, avec des ruches disséminées dans tout le canton, confirme que «2020 est une bonne année avec deux ou trois miellées distinctes selon les lieux et les microclimats».

Un phénomène dû à la météo

«Le phénomène est essentiellement lié à la météo», indique Sonia Burri-Schmassmann, présidente de la société romande d’apiculture (SAR). «Nous avons enregistré des températures très favorables avant même le début du printemps, cela a permis aux abeilles de se développer rapidement et de former de fortes colonies.»

Ces régiments de butineuses ont ensuite profité de l’importante floraison apparue à la faveur de ce climat propice. «On a par exemple vu pointer la sauge des prés entre début et mi-mai, alors qu’elle apparaît normalement un mois plus tard. Les abeilles ont bénéficié de nectar à profusion.»

Il a fallu tout de même compter avec une petite période de sécheresse. Dans le Val-de-Ruz, les pissenlits ont eu de la peine à pousser, alors qu’ils étaient légion à 1000 mètres, comme en témoigne le miel jaune citron récolté par un apiculteur du Haut.

2020 à l’opposé de 2019

Les relevés de Gilbert Dey indiquent qu’entre fin avril et début mai, les abeilles d’Evologia n’ont rien récolté. «Il faisait trop sec.» Idem la dernière semaine de mai, où, cette fois, c’est la bise qui a empêché les butineuses de faire leur travail.

«Ces dernières semaines, les abeilles consomment plus que ce qu’elles récoltent», constate Gilbert Dey. «La météo est pourtant favorable, mais il ne reste que peu de fleurs.»

Ce cadre affichait un peu plus de deux kilos à la pesée. Photo: Christian Galley

Ceci dit, la saison n’est pas terminée. «La période des miellats, les miels de forêt et sapin (réd: produits non pas avec le nectar de végétaux mais à partir des déjections de pucerons), peut débuter en août à 1000 mètres d’altitude et pourrait être aussi fructueuse que celle du printemps si la météo le permet», espère Sonia Burri-Schmassmann.

L’année 2020 sera donc à l’opposé de 2019, qui avait été une année record négative pour la récolte de miel en Suisse en raison des conditions climatiques extrêmes. Après un mois de mai particulièrement frais et humide sur le Plateau, il n’y avait pas eu de miel de printemps dans de nombreux endroits. Derrière, l’été exceptionnellement sec et chaud n’avait permis de récolter que peu de miellat.

Même si nous pensons que le trafic routier et aérien peut avoir un impact sur les abeilles, il n’y a jamais eu d’études scientifiques sur le sujet.

Sonia Burri-Schmassmann, présidente de la Société romande d’apiculture

Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, la crise du Covid et le ralentissement des activités humaines n’ont pas influencé le phénomène. «Il n’y a aucun rapport», prévient tout de suite Sonia Burri-Schmassmann.

«Même si nous pensons que le trafic routier et aérien peut avoir un impact sur les abeilles, il n’y a jamais eu d’études scientifiques sur le sujet. Il a été prouvé, en revanche, qu’elles sont sensibles aux produits phytosanitaires de synthèse, mais cette activité-là ne s’est pas arrêtée pendant le confinement. Tout ce qui relève de la production agricole a été maintenu. L’utilisation de ces produits est toujours problématique et d’actualité.»

L’Etat a moins fauché

Gilbert Dey partage le même avis. Il relève néanmoins un changement d’habitude qui a son importance pour les abeilles. «L’Etat de Neuchâtel a moins fauché les bords de route que d’habitude. Il avait été sensibilisé à cette question par divers groupes nature, dont celui des apiculteurs d’Espace Abeilles.»

Avec une durée de vie de six semaines, les ouvrières qui naissent pendant la saison de récolte ne passeront pas l’hiver. Seules les générations qui apparaîtront dès septembre seront, elles, adaptées pour accompagner la reine pendant la longue période d’hivernage. Rien ne permet d’établir quelle sera la situation en 2021.

«Mais on peut tout de même se réjouir pour les apiculteurs qui vont pouvoir dégager cette année un peu de revenus avec le produit de leurs ruches», se félicite Sonia Burri-Schmassmann. «Pour rappel, les apiculteurs ne touchent pas de subventions directes, contrairement aux agriculteurs. On ne compte que 5% de professionnels. On peut d’ailleurs se demander quelle serait la problématique de la pollinisation sans les 95% de passionnés qui font du miel à titre de hobby…»

Pour découvrir le monde étonnant des ouvrières, qui ne deviennent butineuses qu’à la fin de leur carrière professionnelle, rendez-vous à Espace Abeilles sur le site d’Evologia, à Cernier. Ouvert 7/7 jours de 10h à 17h. Visite guidée sur rendez-vous.

La récolte de miel de 2021 est la plus faible depuis 15 ans en Suisse

Après la récolte record de miel en 2020, le mauvais temps a entraîné cette année 2021 une très faible production de miel de printemps dans toute la Suisse.