null «C’était une de ces nuits telles qu’on les trouve en novembre, une nuit pleine de noir et de sautes de vent, dense, pas plus mince ou plus épaisse, pas un de ces tissus mal tissés qui coûtent peu, – une vraie nuit.»

Nous sommes au début du «Cavalier de paille», de Monique Saint-Hélier, mais aussi, non loin de minuit, à l’arrêt de tram entre Auvernier et Colombier, victimes d’une de ces économies de bouts de chandelle où la bêtise le dispute au ridicule.

On ne distingue ni les marches, ni le passage piéton; on se réjouit, lorsqu’une silhouette se retrouve à terre, qu’aucune voiture n’ait déboulé au début de l’allée. On imagine les politiques ayant décidé cela, ordinateur sur les genoux et téléphone(s) en poche. On se demande où et comment ils partiront en vacances, cet hiver. On salue leur congélateur.

«Elle cherchait le mot, le mot essentiel, – il doit exister des mots sources, des mots lumières qui illumineraient tout, ce n’est pas possible que nous soyons toujours dans la nuit. Mais elle ne le trouva pas.»

Novembre, c’est aussi le mois qu’a choisi l’autrice originaire de la Chaux-de-Fonds pour commencer son journal, en 1940. Elle se pose alors une question qu’il conviendrait d’écrire sur quelques cravates et à l’entrée, au hasard, des banques, des assurances et des parlements:

«Ai-je encore un ‘moi’ ? Ou suis-je déjà gagnée par cette sclérose qu’on appelle ‘l’âge adulte’?»

Pour prendre soin de notre enfance si souvent à fleur de paupières, huit musiciennes crépusculaires ont déployé de puissantes berceuses à la Case à chocs, pendant que la Suisse jouait des coudes et des crampons avec la Serbie. Elles ont conclu en tirant les prises, a cappella à hauteur du public. Une assemblée qui, au final, avant les applaudissements, rejoignait cette question de l’autrice de «Bois-mort»:

A fleur de paupières

Le bouquiniste Karim Karkeni nous parle de la nuit noire, celle où l’on ne distingue plus rien, où les mots manquent, mais celle aussi où la magie apparaît.