null Oui, c’est vrai, son écriture est déstabilisante. Elle prend le contre-pied des polars commis au cure-dents et des livres à l’écriture blanche. Elle toise l’avalanche commerciale de titres comme «Penser gland», «Vivre blaireau» et autre «Aimer arbres».

Elle est un antidote aux idées toutes défaites du moment. Une leçon d’imprégnation. Qu’Alexandre Caldara dépeigne des cépages et les êtres leur donnant leurs lettres d’ivresse («Pulp vendange», éditions du Griffon) ou qu’il s’adonne au pseudo-noir commandé par son éditrice («Mystère-bouffe», fanzine umlaut by Samizdat), il y a toujours une fanfare de tendresse, de générosité dans la référence bricolée et de vulnérabilité revendiquée; le tout balancé dans un amalgame rythmique organique allant du punk au rock, avec détours par caves à free jazz.

Le poète aimerait croire que le journalisme de qualité est encore possible, que les pages culturelles peuvent être autre chose que de la promotion mal fardée trop bien fagotée.

Il faudrait le voir en barde heureux de l’art qui déborde, qui sirote dans les marges, qui fait des taches sur le convenu. «Libération» sous un bras pour un petit shoot de titres adulescents, «Le Monde» sous l’autre pour une caution plus aristocratique, le poète aimerait croire que le journalisme de qualité est encore possible, que les pages culturelles peuvent être autre chose que de la promotion mal fardée trop bien fagotée.

Presque toujours il déchante et chante alors, à défaut d’investigations fouillées, ses propres divagations fouaillées dans une langue léchant goulûment le postérieur de la syntaxe, dégainant son doigt d’horreur à la bienséante ponctuation.

«(…) petit à petit on apprend à oublier tout cela à le fondre dans la masse d’un texte de toute une vie un bloc plus opaque et plus fluide une quête d’existence qui fuit entre les doigts (…)»

C’est au tout début de «Mystère-bouffe», dans lequel Gertrude Stein et Georges Haldas sont remixés à la sauce Calduche, avec une pincée de «fougère [qui] pousse en son herbier secret sous son aisselle». C’est qu’il s’agit de décupler «le rôle de la langue/tapis volant des saveurs», ceci chapardé dans «Pulp vendange», où les trouvailles jouissives sont légion.

Face à l’intelligence sacrificielle des écritures occlusives, lire Caldara, cet ornithorynque des lettres romandes.

«au nez/il semble/boxeur et ventriloque à la fois»

La pulpe mystérieuse des vendanges de Caldara

Le bouquiniste Karim Karkeni nous parle de son admiration pour le poète neuchâtelois Alexandre Caldara.