null Le jeu, du fait de sa nature improductive et libre, est une activité gratuite. On peut jouer en tout temps et en tout lieu, en se limitant à un matériel rudimentaire, voire inexistant: les plateaux de jeu de l’Antiquité étaient souvent tracés dans le sable, pratique que l’on retrouve encore aujourd’hui dans de nombreux pays. Le jeu libre des enfants illustre bien la liberté infinie qu’autorise l’acte de «jouer».

Mais le jeu, c’est aussi une industrie mondialisée qui produit et qui vend des jeux à des centaines de millions de personnes. L’activité de jeu reste improductive et libre, mais elle passe par un acte d’achat, qu’il s’agisse d’une boîte de jeu de société dans une boutique spécialisée, ou d’un jeu vidéo sur une plateforme de vente en ligne. Dans ce contexte, on paye avant de jouer, au même titre que l’on achète son ticket de cinéma.

Et pourtant, dans le monde du jeu vidéo, le modèle économique du «jeu gratuit» (en anglais, «free-to-play») a pris son essor depuis une dizaine d’années. Tant et si bien que ces jeux sont aujourd’hui majoritaires sur les plateformes de vente auxquelles parents et enfants accèdent depuis leurs téléphones portables.

Pour ce faire, les éditeurs et concepteurs ont développé de nombreuses ruses afin d’inciter l’achat après l’installation, à travers divers mécanismes de microtransactions, d’achats intégrés ou de publicités. L’entrée dans le jeu est donc gratuite, mais la sortie est payante.

Or, ces jeux dits «gratuits» ne le sont jamais vraiment. Si ce modèle de vente est largement plébiscité par les gros éditeurs, c’est précisément parce que ces jeux rapportent plus que des jeux «payants»! Pour ce faire, les éditeurs et concepteurs ont développé de nombreuses ruses afin d’inciter l’achat après l’installation, à travers divers mécanismes de microtransactions, d’achats intégrés ou de publicités. L’entrée dans le jeu est donc gratuite, mais la sortie est payante.

J’ai deux enfants avec qui j’ai le plaisir de partager ma passion pour le jeu. L’une des règles importantes que je leur transmets consiste à éviter les jeux vidéo gratuits. Souvent, la volonté de «faire payer» à retardement amène les concepteurs à tordre le cou à l’expérience ludique, à tromper son improductivité, à orienter ses mécanismes au profit de l’achat compulsif. Si tous les jeux vidéo gratuits ne représentent pas le même danger, s’en méfier constitue un acte de prudence. Pour que le jeu reste gratuit, il vaut mieux payer l’entrée.

Jouer gratis?

Selim Krichane, directeur du Musée suisse du jeu, expose les développements du concept du «jeu», entre gratuité promise et paiements escomptés.